Dami n’aurait pas pu faire preuve de davantage de prévenance et de davantage de sécurité qu’en laissant JiU dans un taxi comme elle l’avait fait à la fin de leur soirée. Elle savait pourtant qu’elle ne tenait pas l’alcool, elle n’en buvait jamais ce qui faisait que son organisme avait tendance à réagir bien plus vite chez elle que chez la plupart de ses amies. Ce soir, elle voulait simplement célébrer. Pas seulement ce qui avait été accompli par le groupe, mais aussi le tête à tête avec son amie qui n’avait que trop tardé. Elle aurait dû être plus raisonnable, mais ça, c’est une réalité dont elle ne se rendrait compte que le lendemain matin. « Je vous dépose à quelle adresse ? » Lui demande le chauffeur. Lorsqu’il démarre la voiture, il n’a aucun moyen de savoir que ce n’est pas son adresse que la chanteuse lui a indiquée. Elle-même est d’ailleurs persuadée que c’est sa propre adresse qu’elle lui a confié. Personne ne fut réellement fautif, dans cette histoire, si ce n’est JiU elle-même.  Mais ça, elle ne s’en rendrait compte que le lendemain, après avoir fait des erreurs et dépassé les bornes.

Elle reste confiante lorsque le taxi s’arrête et la fait descendre. Ce n’est pas son immeuble, pourtant elle y entre avec assurance, comme si c’était le sien. Persuadée qu’il s’agit du sien, en son fort intérieur. Elle prend l’ascenseur, qui la rend un peu nauséeuse au passage. Elle n’a qu’une hâte, celui de s’étaler dans son lit et de dormir jusqu’au lendemain. Lorsque les portes s’ouvrent, elle cherche encore ses clés dans son sac. Elle s’avance dans le couloir et les cherche encore une fois plantée devant la porte -ce sac est décidément trop grand. Ou alors, elle a peut-être mis trop de choses dedans. « Ah, les voilà. » Murmure-t-elle tout bas, pour ne pas importuner ses voisins. Mais ces clés, elle n’arrive pas à les passer dans la serrure. Et, contrairement à ce qu’elle peut croire, ce n’est pas à cause de l’alcool et de sa dextérité diminuée. Même lorsque la porte s’ouvre devant elle, elle reste confiante, sûre d’elle-même alors qu’elle est dans le tort le plus complet. Son visage se crispe en une moue interrogative. « Pourquoi t’es chez moi ? » Tous les signaux indiquent qu’elle est chez lui et non l’inverse. Mais non, elle est persuadée de ce qu’elle dit. A tel point qu’elle entre comme si elle était, effectivement, chez elle. C’est là qu’elle commence à douter. Non, elle ne réalise pas. Elle doute seulement. « …Pourquoi t’as changé mes meubles ? » Elle vacille et s’appuie contre le mur. Il y avait un mur ici, chez elle, avant ?

Plus jeune, mes talents culinaires se résumaient à faire bouillir de simples ramyeon dans leur bouillon et de rajouter un œuf. Après environ deux ans de service militaire où je me retrouvais souvent derrière les fourneaux, mes capacités de cuisinier s'étaient incroyablement accrues. Bien qu'affectionnant toujours les livraisons, notamment les jours de grandes fatigues, j'apprécie de flâner dans les supermarchés ou chez mes primeurs favoris pour recueillir les ingrédients des recettes que je ferais et dégusterais le soir même. Un esprit sain dans un corps sain...Ce n'était point mon motto mais j'appréciais l'adage. Entre différents tournages, je me permettais donc de rendre visite à mes commerçants de quartiers pour prendre de leurs nouvelles, mais aussi acheté plus qu'il n'en fallait pour un jeune homme. Le ventre d'un homme s'arrondit à la trentaine ? Des mythes ! Cela ne m'était aucunement arrivé. Mes voisins ou collègues affirmaient que je ne pouvais me vanter. Je pratiquais après tout des arts martiaux plus que régulièrement ce qui me musclait toute en finesse. Des remarques qui m'amusaient, mais que je pardonnais. Les hommes coréens ne se complimentent guère. Ils préfèrent les taquineries contrairement aux Philippins. Une différence culturelle qui me plaisait. D'ailleurs, je préparais souvent des mets de cette île où j'avais vécu tant d'années. J'en gardais évidemment une réserve pour les jours à venir, mais distribuais le reste aux voisins les plus âgés, les mères divorcées ou encore mes vendeurs préférés. Méticuleux, je suis chaque jour un planning. Un immense calendrier agrémenté de photos de tigres, petites références au drama qui fit ma renommée, s'affichait fièrement sur la porte de mon frigidaire. Et outre mes CEO ou directeurs de dramas, je n'obéissais qu'à lui seul. La moindre de mes futures prévisions y était inscrite et suivait d'ailleurs un code couleurs connu de moi seul. Des amis m'avaient affirmé que cela était un brin efféminé. Je leurs avais ri au nez avant de changer de sujet. Il serait tant, comme j'aime l'affirmer à qui veut l'entendre, que la Corée abandonne ses travers machistes et acceptent le féminisme non point comme un fléau mais une avancée sociale nécessaire pour le développement de la nation.

Une bonne âme, un être digne de l'enfer, mon caractère est des plus lunatiques et je ne l'ai jamais nié. Cette soirée sera parfaite. La lecture du script, c'est parfaitement déroulé et nous avons terminé plus tôt. Après un cours de théâtre et mes fameuses emplettes, je cuisine depuis maintenant plus de trois heures pour préparer la soupe de porc Sinigang, Sinigang pour avoir une délicieuse soupe réchauffante ainsi qu'évidemment du riz. Mon tablier encore sur moi, je remue mes plats presque prêt quand du bruit se fait entendre à la porte. Je n'attends personne et s'il est une chose que je ne supporte guère, ce sont les profiteurs qui s'invitent. Je baisse le feu avant d'aller ouvrir le hall. Ai-je été mauvais envers quiconque aujourd'hui pour devoir subir pareil supplice ? Face à moi se trouve la membre la plus sublime d'un groupe que j'adore. Malheureusement, cette jeune femme et moi ne nous supportons guère. Sans même chercher à savoir ma version des faits, Kim Min Ji s'est évertuée à défendre une coiffeuse qui ne cessait de me demander mon numéro. Alors oui, je n'ai point été poli, et après une journée de travail, j'ai pu être grossier mais depuis, celle que l'on nomme JiU s'évertue à me faire comprendre qu'elle ne peut me voir même en peinture. Dommage, car l'œuvre serait magnifique...Mais le moment n'est guère idéal pour s'adonner à un brin de vanité. Sans ménagement, la Coréenne me pousse et je comprends à ses paroles qu'elle est ivre. Bien sûr que je me demande pourquoi elle s'est pointée chez moi plutôt que chez une plus proche connaissance ! Toutefois, hors de question de la foutre dehors par ce temps et dans cet état. Je l'attrape par les épaules pour la pousser sur un des premiers fauteuils à notre porté. "Quand t'es ivre, tu te décides de faire le tour des gens que tu méprises pour mieux les emmerder ou je suis un sacré p'tit veinard?"