Je ne pense pas être le meilleur pour le lui dire. Frapper quelques fois sur le volant, tout en écoutant son interlocuteur. Ne pas être très à l'aise avec les lois sur la route. Rouler rapidement sur ce chemin de campagne, téléphone à la main, une vieille chanson en sourdine au fond. Se foutre de ce que les gens peuvent penser de cette histoire ou même de comment la vie va gérer la situation. Se prendre pour un acteur de rapide et dangereux. Elle me fuit et toi, tu crois que je devrais l'inviter ? T'es un grand malade. Parler de sa petite amie ... Ou du moins, de celle qu'on prétend avoir. Être amoureux mais à demi. Uniquement lorsqu'elle ne fait pas des siennes et lorsqu'elle prend ses messages. Lui en vouloir de vouloir prendre son temps et de passer plus de ce temps avec ses amies. Être là pour elle, désirer être encore plus présent mais ne pas savoir comment s'y faire. Avoir l'impression qu'elle a passé à autre chose depuis les derniers jours mais s'en vouloir sans réellement en être responsable.

La musique s'arrête un moment, la pluie continue de tomber averse. Il y aura des torrents d'eau dans les rues prochainement et certainement des chemins de fermés. S'en moquer, continuer de rouler comme un malade et glisser simplement sur l'eau. Si je t'écoutais, je serais déjà marié à cette fille et on aurait trois enfants. T'imagines ? Trois enfants avec sa face et son caractère ? Je finirais par en noyer un certain. Rigoler mais savoir que ça serait possible. Bien aimer Rose mais ne plus savoir comment prendre ses caprices. La savoir proche tout en étant loin la plus part du temps. Naviguer sur une pente avec elle, trouver la vie un peu injuste par moment. Avoir pensé avoir trouvé son âme soeur, désirer que ce soit le cas mais continuer d'hésiter. Et de lui faire des crises lorsqu'elle ne répond pas à un message dans les quinze premières minutes. Rager. Intérieurement. Toujours.

La pluie continue de tomber en larmes bien plus grosses, ne rien voir au devant. Ou bien, on les enterre avec la mère, bien plus simple. Hocher négativement la tête, continuer de s'en prendre pleins la tête avec toutes ses pensées. Se demander si elle en vaut la peine ... Et se dire que oui. Qu'on est prêt à faire des efforts pour que cette fille puisse continuer de venir vers soi.

Rouler, ne rien voir sur les côtés. Rouler dans un trou d'eau, l'eau qui revole. Avoir aperçu, peut-être quelqu'un, ne pas en être sûr. Espérer que ce ne soit pas le cas car sinon, cette personne se retrouvera encore plus trempée qu'auparavant. Continuer sa route sans même s'arrêter. Ralentir tout de même un peu car la communication téléphonique vient de lâcher. Jurer, cligner plusieurs fois des yeux et se dire que son manager, et ami, pourra vraiment croire qu'on a l'intention d'enterrer quelqu'un prochainement. Lever les épaules, être habitué d'entendre des horreurs à son sujet et se dire qu'une de plus ou une de moins ne fera pas grande différence. Arrêter la voiture en pleins milieu du chemin, essayer d'avoir la ligne téléphonique à nouveau. Comprendre que ce ne sera pas le cas et jurer à nouveau. Taper frénétiquement sur le volant, klaxon inclus. Trois fois. Trois fois peut-être de trop.

S'en vouloir d'être parti sur un coup de tête. De se retrouver dans un coin paumé et perdu. Ne pas être habitué d'être aussi seul, être entouré de son manager la plupart du temps. Ou de la petite amie, lorsque cette dernière veut bien de nous. Ne pas être trop souvent avec elle et c'est un plus dans sa vie. Pas de dispute, pas d'envie de meurtre. Pas de cris, de crises, de tapage de pieds et de menace de mort. L'aimer tout de même mais ne pas trop y montrer. Elle pourrait être heureuse et ne pas vouloir qu'elle regrette par la suite. Avoir envie de passer une partie de sa vie à ses côtés mais ne pas lui dire, garder une certaine distance avec elle. Avoir peur, a son tour, de le regretter.

Conduire sans penser à demain. Conduire, ne pas regarder derrière, ni même vers l'avant. Conduire, s'évader, ne plus penser à rien. Sauf à elle, bien entendu. Dépasser une voiture, ne pas s'en rendre compte sur le coup. Arroser la jeune femme à l'extérieur, toujours sans s'en rendre compte tout à fait. Le penser mais continuer sa route. Juste un peu. S'arrêter, jurer contre son téléphone. Conduire, téléphone en main, sans haut parleur. Un danger public pour bien des gens. Jurer, taper sur le volant. Accrocher le klaxon, le faire hurler trois fois. Trois fois de trop. Vouloir rebrousser chemin, retourner au point A pour une discussion avec son manager. Pour que ce dernier ne se pose pas trop de questions, qu'il puisse continuer à nous trouver trop charmant pour endosser un meurtre. Installer la marche arrière du véhicule avant de sursauter, entendre des bruits à l'extérieur. Quelqu'un frappant à la fenêtre, un pied de biche à la main. Ne pas l'entendre tout à fait, ne pas vouloir lui ouvrir la fenêtre. Avoir un peu peur en ce moment, se demander si une folle furieuse a bien pu se sauver d'un asile tout proche. Barrer ses portes, devant elle. Lui faire non de la tête, pour qu'elle change d'idée et qu'elle rebrousse chemin. Qu'elle retourne dans un fossé dans l'attente d'une autre personne à terroriser. Maudire le téléphone et sa batterie, impossible d'appeler à l'aide. Mettre la voiture sur neutre, ne plus vouloir bouger ni même poser son regard ailleurs que sur le pied de biche.

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